Prix de transfert dans le domaine minier : le CERA-FP invite le gouvernement à relire tous les contrats pour les adapter aux dispositions du nouveau code minier 2015
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Le Centre d’Étude et de Recherche Appliquée en Finances Publiques (CERA-FP) estime qu’« une chose est de pouvoir mobiliser les recettes mais une autre chose est la bonne gestion de ces recettes au profit de l’ensemble de la population burkinabè en général et les populations des communes minières en particulier. » C’est du moins ce qui ressort du rapport de l’étude sur les politiques fiscales et les prix de transfert dans le domaine minier que l’institution a soumis pour validation le 23 mai 2024 à Ouagadougou. L’objectif étant de mettre le doigt sur la progressivité des politiques fiscales et de doter les OSC d’éléments de preuves scientifiques sur les prix de transfert et leurs effets sur les ressources budgétaires de l’Etat.
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Les politiques fiscales bien conçues dans le secteur minier devraient permettre au gouvernement de collecter des revenus significatifs, voire essentiels pour financer les services publics et les infrastructures vitales. En effet, les prix de transfert équitables jouent un rôle crucial en prévenant l’évasion fiscale, assurant ainsi que les entreprises paient leur juste part d’impôts. En outre, des politiques fiscales claires et justes peuvent attirer davantage d’investissements étrangers dans le secteur minier, stimulant ainsi l’économie locale. Mais est-ce le cas au Burkina Faso ? L’étude sur les politiques fiscales et les prix de transfert dans le secteur minier du Burkina Faso initiée par le CERA-FP avec l’accompagnement de l’ONG OXFAM apporte des éléments de réponse à travers le projet « Renforcement des bonnes pratiques et des mobilisations citoyennes en faveur de politiques publiques adaptées à la réduction des inégalités au Sahel. »
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Lina Gnoumou, chargée de programme/CERA-FP
Les résultats de cette étude révèlent que depuis 2015, des reformes importantes ont été entreprises en vue d’améliorer les recettes minières au Burkina. Le nouveau Code minier qui a été porté par les acteurs de la société civile est l’une des réformes majeures selon les acteurs. En effet, ce code minier a réduit certains avantages accordés aux sociétés minières tels que le taux de retenue à la source sur les prestations étrangères, le taux de l’IS ramené au taux de droit commun pour les sociétés minières en phase d’exploitation. En plus de ces réductions d’avantages, il y a eu la création du Fonds minier de développement local. Ce fonds est censé apporter un changement positif en termes de développement des communes minières. « Mais malheureusement, il tarde à se mettre en place bien que le gouvernement affirme le contraire », constate le CERA-FP.
Le code des impôts adopté en fin 2017offre de nouvelles possibilités à l’administration fiscale de mieux contrôler les activités des sociétés minières, de contrôler les pratiques des prix de transfert par les compagnies minières et surtout de limiter les spéculations abusives des titres miniers. « Après, le problème de la bonne gestion des recettes minières pourrait se poser. Parce qu’une chose est de pouvoir mobiliser les recettes et une chose est la bonne gestion de ces recettes au profit de l’ensemble de la population burkinabè en général et les populations des communes minières en particulier », fait remarquer le CERA-FP.
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Ousséni Kagambega, fiscaliste et membre de l’Association professionnelle des experts et conseils fiscaux du Burkina
Selon le CERA-FP, c’est sur cet axe de la bonne gouvernance des ressources financières minières que la société civile doit jouer pleinement son rôle de veille citoyenne en contraignant le gouvernement à la reddition des comptes.
Relire tous les contrats miniers existants avant l’adoption du code de 2015
Le CERA-FP recommande donc au gouvernement entre autres, de relire tous les contrats miniers existants pour les adapter aux dispositions du nouveau code de 2015 ; de mentionner clairement dans ces contrats miniers l’obligation des sociétés minières de participer au fonds minier de développement local ; d’assurer aux communautés affectées par les opérations minières, un accès aux informations pertinentes ; de s’assurer que les compagnies respectent leurs engagements en termes de recrutement et de formation en priorisant le personnel national afin de permettre l’accession des citoyens burkinabè à tous les emplois en rapport avec leurs qualifications professionnelles ; de légaliser l’exploitation des mines artisanales, le cas échéant, afin de les rendre viables et rentables économiquement pour les ménages, les entités locales et le pays ; de protéger et améliorer les droits communautaires afin de garantir que les augmentations rapides de l’investissement foncier n’entraînent pas le déplacement des citoyens ni une érosion accrue des opportunités de croissance équitables.
Cathérine Kouraogo