Dépenses fiscales au Burkina Faso : un manque à gagner de 437 milliards de francs CFA

Dans le cadre du projet de « Renforcement des bonnes pratiques et des mobilisations citoyennes en faveur de politiques publiques adaptées à la réduction des inégalités au Sahel », le Centre d’Etudes et de Recherche Appliquée en Finances Publiques (CERA-FP) a commandité une étude comparative sur les dépenses fiscales dans six pays africains que sont le Burkina Faso, le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Maroc, le Sénégal et le Togo. Les résultats dudit rapport indiquent que le Burkina enregistre un manque à gagner de 437 milliards de francs CFA.

La comparaison faite par cette étude a concerné le cadre juridique, le cadre institutionnel, les coûts financiers et a abouti à des recommandations pour rationaliser les dépenses fiscales au Burkina Faso. Les dépenses fiscales dans les six pays se présentent sous cinq grandes catégories que sont les exonérations fiscales, les réductions d’impôt, les reports, les abattements fiscaux et les crédits d’impôts. 

Si les dépenses fiscales constituent un outil important de mise en œuvre des politiques publiques à la disposition du gouvernement, l’évaluation de leur efficacité par rapport à d’autres moyens d’action disponibles doit être faite pour en justifier l’octroi. Cette étude a révélé que les dépenses fiscales au fil des trois années d’exercice (2020, 2021 et 2022), connait une évolution. Les mesures ont diminué au fil du temps mais les montants sont allés crescendo pendant la période que l’étude a été menée.  Le manque à gagner lié à ces dépenses fiscales est estimé à 437 milliards de francs CFA au Burkina.

Selon le consultant qui a mené l’étude, par ailleurs expert en fiscalité et en finance publique, Amos Zong-Naba, ces dépenses fiscales vont essentiellement au niveau des entreprises qui absorbent environ 75%, suivies de 14,3% pour les ménages.  Pour l’ancrage juridique et institutionnel, il ressort que l’évaluation des dépenses au Burkina est conforme aux bonnes pratiques. Cette disposition organisationnelle garantit une certaine harmonie dans la mise en œuvre des politiques sociales et la collecte de l’information. Toujours selon cette étude, au titre des coûts budgétaires, comparativement aux autres pays étudiés, le Burkina a un ratio dépenses fiscales sur PIB le plus faible même si ce ratio a évolué au cours des trois dernières années (2020 à 2022). Quant au ratio dépenses fiscales sur les recettes fiscales, le Burkina est le deuxième pays après la Côte d’Ivoire parmi les six étudiés, à avoir le ratio le plus faible sur la période étudiée. Amos Zong-Naba, a en outre laissé entendre que ce n’est pas un problème que d’accorder des dépenses fiscales aux entreprises, mais c’est plutôt suivre pour que ce pourquoi on a accordé les dépenses fiscales puisse être atteint.

Amos Zong-Naba, Consultant et expert en fiscalité et en finance publique

A l’en croire, l’étude a révélé également qu’au Burkina, il y a des dépenses fiscales qui sont accordées mais qui ne relèvent pas de la loi.  « Ce que nous avons déploré. Pour répondre au code de transparence de l’UEMOA de 2009, il est dit clairement que nous devons travailler à ce qu’il y ait une transparence fiscale.  Alors si c’est accordé et ce n’est pas à travers la loi, ça veut dire qu’il n’y a pas eu un débat autour. Donc c’est une personne à travers son pouvoir discrétionnaire qui accorde ça et ce n’est pas intéressant », a-t-il expliqué.

Pour lui, le véritable défi réside dans le fait qu’il n’y a pas un débat ouvert sur les dépenses fiscales. En effet, le citoyen lambda qui est le principal contributeur ignore pratiquement les dépenses fiscales et encore plus les objectifs de ces dépenses fiscales. Face à de tels constats, le secrétaire exécutif du CERA-FP, Hermann Doanio a interpellé le gouvernement burkinabè sur la nécessité que toutes les dépenses fiscales soient mises en débat au parlement et qu’on puisse les accorder en toute connaissance de cause, en se disant : « nous renonçons à un certain montant de recette à recouvrer, mais cette perte va forcément nous créer des opportunités en termes de croissance économique et de dynamisation des activités économiques. »

Hermann Doanio, Secrétaire Exécutif de CERA-FP

Aussi, il invite le gouvernement à travers les évidences révélées par l’étude, à capitaliser les meilleures pratiques qui ont été identifiées dans les cinq autres pays mais aussi à valoriser et à renforcer les bonnes pratiques déjà existantes au Burkina.

« Nous avons essayé de scruter ailleurs pour voir quelles sont les meilleures pratiques à capitaliser et faire en sorte à ce que la société civile puisse contribuer à plus de mobilisation des ressources et à moins de déperdition sous le format des dépenses fiscales. », a-t-il notifié.

La société civile a un grand rôle à jouer car elle doit attirer l’attention des pouvoirs publics sur le manque à gagner résultant d’incitations fiscales inutiles qui pourraient libérer des ressources pour le développement, et rendre cela public. Elle doit également promouvoir la sensibilisation et l’éducation des contribuables, afin d’éclairer le débat sur la politique fiscale, la gestion et la transparence des incitations fiscales.

Wendaabo Cathérine KOURAOGO

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