Lutte contre la malnutrition : le bouillon peut-il être un bon vecteur pour la fortification en micronutriments au Burkina Faso ?

Helen Keller International en collaboration avec le gouvernement du Burkina Faso à travers l’Alliance Nationale pour la Fortification des aliments (ANF) est à cheval à la recherche de voies et moyens pour éradiquer la malnutrition au pays des Hommes intègres. Grâce au soutien financier de la Fondation Bill and Melinda Gates, Helen Keller Intl et ses partenaires ont mené plusieurs études et enquêtes au Burkina Faso, au Sénégal et au Nigéria dans le cadre du projet « Initiative pour générer des évidences scientifiques et appuyer des décisions politiques et une réglementation éclairée pour les bouillons ». Les résultats de ces études et enquêtes ont été portés à la connaissance des hommes et femmes des médias membres du Club des Journalistes et Communicateurs pour la Nutrition et la Sécurité Alimentaire (CJCN-SA) ce vendredi 28 février 2025 à Ouagadougou.

Helen Keller International, en collaboration avec le gouvernement du Burkina Faso à travers Alliance nationale pour la fortification des aliments (ANF) met en œuvre depuis 2019 le projet « Initiative pour générer des évidences scientifiques et appuyer des décisions politiques et une réglementation éclairées pour les bouillons ». en plus du Burkina Faso, ce projet est aussi mis en œuvre au Nigéria et au Sénégal, avec l’appui financier de la Fondation Bill and Melinda Gates (BMGF).

Dans le cadre de la mise en œuvre du projet au Burkina Faso, l’ANF a mis en place un Groupe de Travail National (GTN) dont la mission consiste à orienter et à appuyer la mise en œuvre du programme de travail du projet sur les types de données probantes à générer afin de faciliter les décisions stratégiques sur la normalisation et l’enrichissement des bouillons. Après cinq années de mise en œuvre, le projet dans sa phase 1 a permis au pays de se doter d’une norme nationale de spécifications sur les bouillons et consommés et de lignes directrices pour la fabrication des bouillons. En plus de cela, il faut entre autres noter la conduite sous le contrôle du GTN, de certaines études dans le but de générer des évidences pour éclairer les décisions politiques sur l’enrichissement des bouillons. Il s’agit de :

  • « Evaluation des besoins en renforcement des capacités des institutions gouvernementales pour le suivi de la qualité des aliments fortifiés » ;
  • « Etude formative pour documenter les connaissances, les perceptions, les préférences, les attitudes et les pratiques sur les bouillons et l’enrichissement en micronutriments des bouillons au sein des différentes parties prenantes » ;
  • « Evaluation des principales sources alimentaires de sel et la contribution des bouillons et autres aliments salés dans la consommation du sel et du mono glutamate de sodium » ;
  • « Evaluation de l’innocuité de la consommation du glutamate monosodique (GMS) au Burkina Faso, au Nigéria et au Sénégal » ;
  • « Enquête sur les apports en sel et en sodium (SSIS) au Burkina Faso » ;
  • « Modélisation des interventions sur les micronutriments (MINIMOD) en vue d’estimer l’effet d’une éventuelle fortification des bouillons sur les apports en micronutriments de différents groupes de la population » ;
  • « Essai-clinique randomisé (Randomized clinical trial – RCT) au Nord du Ghana en vue d’évaluer l’effet de la consommation de bouillons enrichis en micronutriments sur le statut en micronutriments d’une population présentant des carences ». Cette dernière étude est en cours et est suivie par deux membres du GTN.

Les résultats des études achevées montrent qu’une grande proportion de la population (au moins 70 % au Burkina Faso) consomme les cubes de bouillons. Ce qui indique qu’il a le potentiel, s’il est enrichi, d’améliorer les apports en vitamines et minéraux essentiels de nombreux groupes de population.

Ces études ont aussi entre autres montré que :

  • des bouillons enrichis pourraient réduire, quoique modérément, l’apport apparent insuffisant en acide folique, vitamine B12, zinc et vitamine A chez les femmes en âge de procréer (FAP) et chez les jeunes enfants.
  • L’utilisation de sel iodé dans la fabrication des bouillons a le potentiel de contribuer entre 30 et 50% des apports nutritionnels quotidiens recommandés en iode pour les adultes. Cela fait des bouillons une source importante d’apport en iode. Cela pourrait être particulièrement significatif au sein des communautés qui n’ont pas accès à du sel iodé de qualité au niveau des ménages.
  • L’apport moyen en sodium dans 2/3 de la population au Burkina Faso est d’environ 3 g / j ; ce qui est supérieur au taux recommandé par l’OMS (2 g / j).
  • Le bouillon contribue pour environ 15 % à cet apport. Le reste (85 %) étant apporté par le sel domestique et le sel contenu dans les autres aliments transformés.

« Il est urgent que les décideurs politiques élaborent des normes »

En Afrique de l’Ouest, le bouillon est commercialisé sous différentes marques, formes, tailles et saveurs avec la forme en cube étant la plus courante. La teneur en sel d’un bouillon en cube de 10 grammes est en moyenne de 55%. Les pratiques avérées de l’utilisation du sel iodé à la place du sel non iodé pour la fabrication des bouillons existent déjà. Par ailleurs, l’enrichissement du bouillon en fer et en vitamine A est déjà une pratique courante dans la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest. Ces bouillons dits « enrichis en fer ou en vitamine A » sont vendus librement au Burkina Faso sans aucun contrôle des pouvoirs publics sur les caractéristiques de ces micronutriments ajoutés.

Par conséquent, il est urgent que l’autorité élabore des normes et des orientations pour guider les fabricants de bouillons sur cette pratique. Par exemple, les décideurs politiques, en particulier les organismes de normalisation et de réglementation, doivent guider les industries sur les types, les formes chimiques et les quantités de micronutriments (vitamines et minéraux) à ajouter aux bouillons.

« Il est urgent de mettre en place des stratégies de réduction de la consommation de sodium »

L’une des principales préoccupations de l’utilisation du bouillon comme vecteur de micronutriments est qu’il constitue une source importante de sodium en raison de sa teneur relativement élevée en sel.

L’inquiétude relative à la consommation excessive de sodium est justifiée par l’association bien établie entre un apport alimentaire élevé en sodium et le risque de maladies non transmissibles telles que l’hypertension, les maladies cardiovasculaires, les accidents vasculaires cérébraux et les maladies coronariennes.

Si Karim KOUDOUGOU, Coordonnateur des projets de lutte contre les carences en micronutriments/Helen Keller International se réjouit de la qualité des échanges et invite les journalistes qu’il qualifie d’« acteurs majeurs de la nutrition » à accompagner l’Etat burkinabè et ses partenaires, Dr Fatoumata Ba/Hama invite quant à elle les uns et les autres à contrôler leur consommation quotidienne de sel en attendant l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie nationale de réduction des apports en sodium des populations.

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